Les pionniers de la fondation

Parler des Oblates et Oblats de Saint François de Sales, nous oblige à faire un détour pour recourir à la vie de deux figures emblématiques : une inspiratrice, sœur du Monastère de la Visitation de Troyes, la Mère Marie de Sales Chappuis, et un fondateur, prêtre du diocèse de Troyes, l’abbé Louis Brisson ; qui ont marqué la fondation de l’Institut des Oblats de saint François de Sales passant par celle des Oblates de Saint François de Sales.

  1. Louis Brisson : De l’enfance au sacerdoce.
  1. L’enfance et la formation de Louis Brisson

Nous sommes au début du XIXème siècle, Toussaint Grégoire Brisson, né Vassimont en 1785, vient s’établir dans le petit village de Plancy, près de Méry-sur-Seine, pas très loin de Troyes, dans les grandes plaines de la Champagne. Il se marie à Savine CORRARD le 6 février 1815 ; et le 23 juin 1817, ils donnent naissance à Louis Alexandre Alphonse Sosthène BRISSON. Il reçoit une formation droite et austère selon les principes de l’époque.

Parallèlement à ses études à l’école du village, Louis reçoit une formation chrétienne solide et fréquente assidûment la paroisse. Il est impressionné par la foi et la vie des prêtres qui la desservent et ses parents songent à le faire entrer au Petit Séminaire. Pour s’y préparer il passe une année avec son curé dont il dévore la bibliothèque et se passionne pour la physique, la chimie et l’astronomie.

Le Petit séminaire

A 14 ans, présenté par l’ancien curé de Plancy, Louis obtient son admission au Petit séminaire de Troyes. Son père l’y conduit le 13 octobre 1831. Débuts difficiles dans cette maison au règlement austère où ne règnent ni la douce atmosphère de la maison familiale ni la vie facile du presbytère de Plancy. Mais l’année suivante, un nouveau professeur le remarque et apprécie sa curiosité intellectuelle et son ardeur à réussir. Il le soutient et l’encourage. Et très vite, Louis va prendre rang parmi les premiers, rang qu’il ne quittera plus.

Le Grand séminaire

Louis Brisson entre au Grand Séminaire en octobre 1836. Sa réputation d’excellent élève l’a précédé. Un de ses professeurs, M. Chevalier, va jouer envers lui un rôle important pendant ce temps de formation. Chapelain de la Visitation de Troyes, il se fait un jour accompagner au monastère par son jeune séminariste pour donner le sacrement des malades à une sœur. Ce sera son premier contact avec la supérieure, Mère Marie de Sales Chappuis. Le Père Brisson racontera plus tard : [1] « Je fus frappé du respect confiant que M. Chevalier portait à la Bonne Mère. Elle était petite, d’une figure presque enjouée, où transpirait néanmoins un air de dignité. Son regard imposait le respect et inspirait la confiance. Ses traits amaigris trahissaient une souffrance physique généreusement supportée, mais reflétaient toute l’intensité de sa vie intérieure. Monsieur Chevalier se prit à dire aimablement à la Bonne Mère en me présentant : “Voici un futur confesseur que je vous prépare” “Oui, répondit-elle, en me regardant fixement, je crois bien qu’il le sera ; je prierai pour cela.” “C’est une sainte que vous venez de voir,” ajouta M. Chevalier, comme nous sortions. »

 

 

Le Sacerdoce

A l’époque, le sacerdoce ne pouvait pas être reçu avant l’âge de 24 ans. Louis doit donc attendre. La dispense d’âge avait cependant été demandée et, à la grande surprise de tous, lui est accordée par Rome. L’ordination a lieu le 19 décembre 1840.

Le ministère au Pensionnant du Monastère de la Visitation

Quand il commence son ministère au Monastère de la Visitation, la Mère Marie de Sales Chappuis n’est plus à Troyes. De 1838 à 1844, elle est supérieure du 2ème Monastère de la Visitation de Paris.  Et très peu de temps après son retour à Troyes, la Bonne Mère invite l’abbé Brisson à venir la voir. Sans attendre elle lui dit ce qu’elle attend de lui : « Je vais vous prendre beaucoup de temps, parce que j’aurai besoin de vous dire ce que le bon Dieu me montre pour manifester sa charité. Dieu s’est regardé et Il est décidé à ouvrir de nouvelles sources de grâces. Il veut que j’y travaille avec Lui et que vous soyez chargé d’exécuter ce qui sera nécessaire pour communiquer au dehors les effets de cette action. »

Fondation des Oblates et Oblats de saint François de Sales

L’abbé Brisson est certes aumônier de la Visitation, mais ce ministère ne le coupe pas des réalités de la société dans laquelle il vit. Historiquement nous sommes entre 1850 et 1860, après la révolution de 1848, le réflexe de la peur a entraîné le clergé à refuser le catholicisme social, attitude ressentie par le monde ouvrier comme un abandon et qui va creuser un fossé durable entre l’Église et le monde ouvrier. La Bonne Mère en est aussi consciente et pendant tout le carême de 1857, elle exhorte les chrétiens à être d’ardents apôtres pour remédier à ce mal.

 La fondation de la Congrégation des Sœurs Oblates de Saint François de Sales.

La petite maison de la galerie et l’œuvre des jeunes ouvrières

L’œuvre des jeunes ouvrières est confiée aux femmes laïques, et connaît de gros ennuis. Les Visitandines étant des moniales cloîtrées, il n’est pas possible de la leur confier. Voulant que cette Œuvre garde son caractère salésien, il ne reste plus qu’une possibilité, créer une Congrégation qui ait le même esprit intérieur, la même spiritualité et la même méthode pédagogique que ceux vécus et proposés par saint François de Sales.

Après avoir prié et consulté de nombreuses personnes, l’abbé Brisson, soutenu par la Bonne Mère, pense que les filles qui doivent être à l’origine de cette congrégation doivent être des anciennes élèves du pensionnat de la Visitation. Après un long discernement, il appelle deux anciennes, Léonie Aviat et Lucie Canuet, et leur soumet son projet.

Une lettre datée du 5 septembre 1871, adressée par l’abbé Louis Brisson à Mgr de Ségur avant la cérémonie des premiers vœux des premières Oblates, nous parle aussi de la fondation des Oblats

Le mercredi 11 octobre, 1871, elles prononcent les trois vœux dans la chapelle de l’Œuvre des Tauxelles en présence de Monseigneur de Ségur.

Fondation de la Congrégation des Oblats de saint François de Sales

La Mère Marie de Sales sent bien vite qu’il est nécessaire d’accompagner les Sœurs Oblates dans leur apostolat par des religieux animés eux aussi de l’esprit de saint François de Sales. De son côté l’abbé Louis Brisson pressent cette nécessité de fonder ce nouvel Institut, pour lequel il a déjà donné un accord total dans le secret de son cœur.

 

  1. Le premier Noviciat.

Les deux pionniers infatigables mettent tout en œuvre pour constituer un petit groupe de postulants. Et le  7 octobre 1873, l’abbé Louis Brisson demande à Mgr Ravinet d’admettre au noviciat le petit groupe qui vit maintenant en communauté depuis un an au Collège Saint Bernard. Après consultation de son conseil, l’évêque donne son accord. Et, le 12 octobre, il reçoit au noviciat les six premiers novices : Louis Brisson, Julien Gilbert, Jérôme Lambert, Célestin Rollin, l’abbé Jacob et M. Grosperrin. L’évêque demande au Père Louis Brisson de recevoir lui-même les postulants et approuve le cérémonial d’admission, préparé par l’abbé Jacob à partir de celui de la Visitation.

Une heure après l’admission au Noviciat, le Père Louis Brisson accueille deux postulants dans la sacristie du Collège Saint Bernard, Ernest Rolland et M. Delaage. Le Père Jacob est nommé Maître des novices. Les novices sont invités à mettre en pratique le Directoire spirituel et à s’imprégner des nouvelles Constitutions qui sont maintenant leur Règle de vie. La Bonne Mère fait aussi connaître la nouvelle du début de l’Institut aux autres monastères de la Visitation, leur demandant de prier pour qu’il se solidifie. Les jeunes novices viennent spontanément se confier à elle, surtout dans les temps de difficultés.

Un an plus tard entrent au noviciat Jean-Baptiste Lambey, Ernest Rolland, André Perrot et M. Delaage.  L’abbé Jean-Baptiste Lambey est un prêtre diocésain de Troyes que l’évêque autorise bien volontiers à entrer dans le nouvel Institut.

  1. La demande d’approbation de Rome.

Mgr Ravinet, vieillissant, souhaite voir le nouvel Institut approuvé par Rome. Il invite le Père Louis Brisson à s’y rendre.

Au début d’avril 1875, le lundi de Pâques, le Père Louis Brisson, accompagné par le Père Jean-Baptiste Lambey, peut se mettre en route. Le vendredi 11 avril, les Pères Louis Brisson et Jean-Baptiste Lambey sont reçus en audience pontificale par le Pape Pie XI. Après avoir visité les cinq Basiliques de Rome[2], les deux Pères regagnent Troyes.

Le 24 décembre 1875, arrive, de Rome, le Bref laudatif, constituant officiellement la Congrégation et la mettant sous la juridiction immédiate du Souverain Pontife.

Le 27 août 1876, les six premiers Oblats, les Pères Louis Brisson, Julien Gilbert, Jérôme Lambert, Célestin Rollin, Jacob et Grosperrin, vont de bonne heure à l’évêché. Ils se placent autour de l’autel. Le premier, le Père Louis Brisson s’agenouille devant Mgr Cortet et prononce avec émotion les vœux religieux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Puis il prend place à côté de l’évêque, tandis que les cinq autres Oblats prononcent à leur tour leurs vœux. La célébration a lieu dans une très grande discrétion. Seuls sont présents les novices Oblats, la Mère Françoise de Sales Aviat avec quelques Oblates. Le Père Louis Brisson, premier Supérieur, a presque 60 ans. Que de chemin parcouru depuis sa première rencontre avec la Bonne Mère[3] ! Maintenant il s’agit de consolider le jeune Institut. C’est à cette date qu’arrive un jeune prêtre du diocèse d’Autun, l’abbé Jean-Baptiste Deshairs. C’est lui qui succèdera au Père Louis Brisson et deviendra le 2ème Supérieur général.

P. Oscar TAWEMA, OSFS

[1] Ibid. p. 30

[2] Saint Pierre – Saint Paul hors les murs – Saint Jean de Latran (cathédrale du diocèse de Rome) – Sainte Marie-Majeure et Saint Marie-Mineure.

[3] Morte le 7 octobre 1975, donc avant la fondation physique des Oblats.

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