Une autre initiation dans la jungle
Courir est aussi un art et s’apprend comme tous les métiers. Les athlètes ont besoin de participer à différents marathons pour grandir et évoluer dans leur carrière. Chaque marathon avec ses exigences et sa particularité. Il y a certains qui ne nous demandent pas trop d’efforts mais il y en a d’autres qui nous demandent de dépasser montagnes et vallées quand on ambitionne réaliser un bon exploit. Dans cet article, nous parlerons du marathon Comrades, un marathon, parmi tant d’autres, qui nous initie à la jungle à travers sa grandeur.
En effet, le Comrades Marathon (Marathon des camarades) est un ultra-marathon d’environ 89 kilomètres qui se court chaque année dans la province du KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, entre les villes de Durban et Pietermaritzburg. C’est la plus ancienne course d’ultra-marathon du monde. Il rassemble 84 nationalités et 20.000 personnes environ sur la course.
Tout le mérite de parler de la jungle ici, c’est le caractère qui fait peur, stress, courage, persévérance. C’est ma première édition et l’organisation en est à sa 96 édition. C’est parce que le Comrades marathon est très rébarbatif et donc il faut connaître le milieu, comment poser les pas ; c’est-à-dire comment s’entraîner. Il y a beaucoup de côtes ou montées, non seulement on apprend à monter sur ces côtes mais on apprend aussi à descendre, à comment manger (la quantité d’eau, de jus, de nourriture à consommer sur chaque kilomètre du début de la course jusqu’à la fin). Aussi, il faut apprendre à s’habiller de manière adéquate pour être totalement libre dans sa course.
Brève histoire du Comrades marathon :
Le Marathon Comrades entre Durban et Pietermaritzburg a commencé comme un hommage aux soldats sud-africains qui ont perdu la vie pendant la première Guerre mondiale. Depuis lors, le marathon est devenu une longue course sud-africaine de légende et sa popularité comme un ultra-marathon s’est répandue dans le monde entier. Slendern, c’est le lieu de résidence des athlètes, près de Durban. Aujourd’hui, c’est le lieu de retrait de dossard à Durban. La course commence à 5h30mn derrière Pietermaritzburg dans la ville de Durban.
Cette année, le marathon s’est déroulé le 11 juin 2023 et a connu la participation de trois prêtres Oblats de Saint François de Sales, le père Koos qui en est à 17 médailles, le père Guillaume ayant actuellement 16 médailles et le père Daniel 1 médaille. La course est ascendante une année et descendante une autre année. Ce qui est différent d’une épreuve marathon et d’un Comrades marathon, c’est le dénivelé : c’est-à-dire la distance du plus bas au plus haut de la montée: On parle de dénivelé positif et 100m de dénivelé positif équivaut à 1km sur un marathon plat. Ici, c’est un autre type d’entraînement pour travailler la descente et la montée.
Pour tous les détails techniques et l’expérience acquise, on a besoin d’un guide, c’est-à-dire un accompagnateur. Son rôle c’est de marcher avec le sujet au début. Il lui explique le pourquoi des choses et le comment des faits. Il lui dit par exemple Comment prier, Comment écouter son corps et les autres, comment boire, Comment manger, Comment respirer, Comment aller vite, Comment ralentir sur le circuit, Comment entamer une descente ou une montée, Comment dormir, Comment récupérer, Comment garder la pensée positive, c’est-à-dire la psychologie positive sur les épreuves de telle envergure, et Comment se faire plaisir ?
C’est à partir de tout ça que commence l’expérience personnelle et propre du sujet. Parce qu’il commence par se découvrir et sait désormais qui il est. En général, pour réussir une entreprise, on a toujours besoin d’un coach spécialisé dans le domaine où l’on entend exercer. Pour être qualifié, le dernier ou la dernière doit finir sa course de 90 km en 12h au plus tard sinon elle ou il ne sera pas qualifié. Le record homme (meilleur temps) est de 5h 18mn 19s depuis 2016 et le record dame (meilleur temps) est de 5h 54mn 43s depuis 1989. À cet effet, le 1er ou la 1ère prendra R500.000 Sud Africain, cela fait 16 279 804,09 Franc CFA. Les 10 premières dames et 10 premiers hommes ont une médaille d’or. Pour avoir la médaille d’argent, il faut courir en 7h ou moins, et pour avoir la médaille de bronze il faut courir en 10h ou moins.
Dans ce milieu, il y a un maître et derrière lui des disciples comme Jésus dans la Bible, on retrouve dans ce lieu une communication spéciale avec un langage codifié très spécifique et particulier à chaque culture et peuple, il y a également une marnière de marcher, un code de la circulation, une façon de conduire. La nourriture est sacrée, on mange ce qui est adapté à son état de vie. C’est pareil pour ce qu’on doit voir.
C’est un peu pareil dans l’entraînement pour embrasser un ultra marathon comme le Comrades. Après avoir fait toutes les courses (42,195km ; 90km ; 100km et 160km), mon coach, le père Guillaume, a décidé de me faire l’initiation à l’ultra marathon. La première des choses dans la préparation lointaine, c’est qu’il m’a préparé un planning d’entraînement. Il faut courir, il faut marcher, il faut faire des séances de côtes, des séances de musculation et le temps de repos.
En fait tout est suivi de près. Qu’est que je bois et je mange sur chaque distance, quels sont les ressentis, c’est-à-dire écouter ce que dit le corps, trop mal ? Trop fatigué ? Trop déshydraté ? Blessé ? Déchu ? Ici le mot “écouter” donne tout son sens à l’obéissance.
De fait, on a besoin de s’écouter pour se connaître, pour connaître les autres, pour s’aligner avec soi-même et pour s’ajuster aux autres. Le succès, la réussite et la victoire passent par cette obéissance bienfaitrice. Qui doit, n’est-ce pas, s’accompagner de patience, d’humilité et de douceur.
Le voyage approche, il faut le billet d’avion, il faut réunir les pièces (pièces d’identité, passeport, les vaccinations). Une fois le vol décolle, il faut réussir le défi de l’anglais puisque nous allons en Afrique du Sud. Tous ceux et celles que vous rencontrez vous parlent anglais et tout est écrit en anglais. Et surtout à l’aéroport, il faut être bien éveillé et dynamique, très prudent pour suivre attentivement les consignes pour ne pas rater le vol.
En Afrique du Sud, je découvre l’histoire de l’apartheid.
L’apartheid était une politique de « développement séparé » affectant, selon des critères raciaux ou ethniques, les populations d’Afrique du Sud concernées dans des zones géographiques déterminées. Il fut conceptualisé et introduit à partir de 1948 en Afrique du Sud par le Parti national, puis aboli le 30 juin 1991. C’est là que je vois le quartier des Blancs à part, le quartier des métisses à part, le quartier des Noirs à part. Selon les quartiers, il est très dangereux de sortir tout seul même en plein jour. Soit on vous poignarde, soit on vous tire dessus.
En ce qui concerne mon séjour à Pretoria, nous étions accueillis à l’aéroport et conduits en communauté par nos pères. On était en toute sécurité. Pour nos entraînements, l’hiver dictait ses lois et donc mon coach sportif me faisait passer dans les rues où il s’entraînait sur de vraies montées. Nous avons fait des entraînements de 50km et plus et dans les jours plus proches de la course, on faisait les sorties d’entretien : 10km, 5km. Il fallait boire minimum 5 L d’eau par jour, il fallait bien manger (potassium, calcium, magnésium.) ; Il fallait aussi beaucoup prier, dire la messe et méditer, Contempler et enfin dormir.
Mon coach sportif m’a fait visiter les lieux publics : La présidence, l’Assemblée nationale, le séminaire national, les églises, les supermarchés vraiment énormes, les écoles et universités, Visiter des familles, Visiter les stades, des prisons, la police et les hôpitaux. On a quitté Pretoria pour Durban, le lieu de l’événement. On a retiré les dossards. Nous avons rencontré une coach mentale (psychologue) qui nous a encouragé à bien finir. On nous donne 12 h au plus pour finir la course afin de valider notre billet de qualification.
L’événement Comrades marathon est porteur d’un sens spirituel très profond. Les natifs de ce pays commémorent la mémoire de leurs ancêtres combattus en période de l’apartheid. Courir une grande distance est une épreuve nous invitant à choisir la vie plus que la mort, à choisir le bien et à résister au mal, à se rendre compte que le bonheur, la liberté, la paix, la joie s’obtiennent lorsqu’on prend sa vie au sérieux et qu’ on accepte de voir la réalité en face.
L’une des choses que je vois mon coach faire, chaque fois qu’il veut courir les longues distances est qu’il a son chapelet en main et là, il prie pour le monde, la conversion des cœurs afin que l’Africain prenne son destin en main. Il prie pour les cas les plus difficiles, communier aux souffrances de ceux et celles qui souffrent terriblement, les âmes que l’église lui a confiées.
Les grandes courses sont comme un pèlerinage où l’on apporte des intentions particulières dans notre cœur et on prie pour cela.
Comme certains chrétiens le font notamment sur le marathon international du Beaujolais. Là par exemple, les hommes et femmes de bonne volonté acceptent de porter une intention de prière que la paroisse leur a confiée et courent avec.
Nous sommes tous frères et quand un frère a besoin de soutien spirituel on le lui apporte. Ainsi on peut compter les uns sur les autres. Plus de Blancs à part, plus de Noirs à part. Nous sommes tous créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et on peut se dire mutuellement tu as du prix aux yeux de Dieu.
Et Dieu t’aime tel que tu es.
L’homme est esprit, âme et corps.
Rappelons-nous cela de temps en temps.
Dieu veut l’unité du cosmos, l’harmonie dans la création et l’amour fraternel qui doit faire vibrer les cœurs comme on court ensemble ; cela se réalise dans le rythme des pas et les respirations comme souffle de l’esprit.
La course à pied est comme un mystère divin.
Le Comrades marathon est l’un des plus beaux marathons au monde. Il nous fait travailler dans un milieu pas comme les autres, nous rend très compétitifs en renforçant notre niveau athlétique. Tant qu’il y a la vie, nous n’arrêterons pas de courir.