Je suis sûr que vous avez déjà rencontrer un jour une personne majeure qui soit malvoyante ou sourde-muette.  Il y en a qui ne peuvent pas marcher (les boiteux), il y en a qui n’ont pas de bras (manchot). J’avoue que les premières fois, ça peut être très marrant. Je me souviens encore comme si c’était hier. Mon frère aîné m’avait conduit dans un centre ; c’est une maison à statut particulier.

En fait, il y avait une surprise qui m’attendait. Quelque chose que je n’ai jamais imaginé et vu dans ma vie. Il s’agit d’une expérience hors du commun. Ce déplacement a eu lieu dans l’après-midi. C’était dans les environs de Zongo II, un quartier de Parakou, troisième ville à statut particulier du Bénin. Nous sommes dans ce qu’on appelle communément la cité des KOBOROU. C’est donc le septentrion. Alors, ce jour-là, nous sommes arrivés devant une grande clôture. Il y avait un grand portail à deux battants et un portillon.

Mon frère a appuyé sur la sonnerie. Et quelques minutes plus tard, on entendait un bruit de pas d’homme, puis une belle mélodie. Mon frère disait que c’est la voix d’une femme. C’est probablement l’une des accompagnatrices du centre qui venait ouvrir le portail. Effectivement, elle a ouvert la porte. Après salutations, elle nous invita à entrer. C’était une très belle femme de teint clair. Elle avait un regard souriant. Avec une démarche qui l’amenait à déhancher et à montrer la rondeur de sa forme. Revenons à l’essentiel. On était venu voir Gaël.

Avant de l’appeler, la dame a pris le soin de nous prévenir que la sieste venait de prendre fin et donc c’est l’heure de la pratique de sport. Elle demandait quelques instants pour faire venir Gaël. Subitement, j’aperçois un homme s’avancer. Il marchait les yeux fermés. Et d’une voix forte appelait le nom de mon frère. Romuald ! Romuald ! Qu’est-ce qu’il dit de bon ? C’est la question qu’il posait à mon frère. La réponse de mon frère était de lui dire que c’était une petite visite éclair. J’étais spectateur de la scène. Un instant après, je n’ai plus vu la dame claire. J’oubliais ! Elle s’était présentée. Son nom c’est Fifame. Un prénom béninois qui signifie la paix. Gaël nous rejoignit. Il tend la main à mon frère et au lieu que mon frère lui tende la main, il me dit tout doucement dans les oreilles de tendre ma main pour recevoir les salutations de Gaël sans prononcer aucun mot. Ce que j’ai fait. Gaël après m’avoir serré la main, trouve que les mains de Romuald ont changé. En allant touché les cheveux de ma tête et en promenant sa main sur mon visage, il se rend compte que c’est complètement un nouveau visiteur. Pour faire court, c’est la première fois que j’ai vu les aveugles jouer au football. Il paraît que dans le programme de ce centre des aveugles, il y a visite de 15h à 16h et de 16h à 17h le football.

Avant l’heure du sport, Gaël a joué à la guitare. En effet, c’est un grand guitariste. Il venait de remporter un concours de musique organisé par la ville. N’est-ce pas époustouflant ! En tout cas, c’est extraordinaire pour moi qui découvrais toutes ces choses nouvelles. Je tombais des nus.

J’aime et je suis amoureux de la musique traditionnelle. Je découvre alors avec Gaël la musique moderne. Voilà un aveugle qui non seulement savait jouer au football mais plus encore savait chanter avec sa belle et magnifique guitare acoustique, même s’il a remporté son concours en jouant une guitare électrique. C’est un génie pour moi, ce jeune homme. Il est incroyable.

En bref, pourquoi je vous raconte tout cela ? c’est parce que comme moi, il y a encore quelque part dans un coin du monde certains qui ignorent cette réalité vraisemblable. Ensuite, j’ai compris que le handicap n’est pas la fin de la vie. Ce n’est pas une fatalité. C’est peut-être un obstacle mais pas infranchissable. C’est vrai que le handicap rend plus vulnérable la personne humaine. Il convient à présent de mettre en lumière ce concept du handicap.

Qu’entend-t-on par handicap ?

L’OMS définit ainsi le handicap de la manière suivante : « Est handicapée, toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouve compromise ». La loi française du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances complète cette définition en y ajoutant la notion d’altération de la vie sociale. Mental, moteur, sensoriel ou psychique. Le handicap a de multiples visages, et ce n’est pas parce qu’il ne se voit pas qu’il n’est pas réel. Le handicap est une réalité dans le monde. Toutefois, la question du handicap n’est pas appréciée à sa juste valeur selon les pays, les sociétés, les cultures et les traditions.

En Afrique et plus particulièrement au Bénin, la question est presque taboue. Franchement dit, lorsqu’une famille se trouve en face d’une personne vivant avec le handicap, cela est mal accueilli. C’est comme si c’est un malheur qui s’abat sur la famille. Un membre de la famille qui traverse cette situation devient non seulement une charge mais surtout un grand poids et pire encore une honte pour la famille. Dans certaines régions, la tradition peut exiger la fin de vie littérale du membre souffrant. Il est vrai que la personne vivant avec un handicap physique ou mental souffre d’une déficience, d’une incapacité et des désavantages par rapport à une personne non handicapée. Mais ils sont tous des humains. Et selon la Bible, l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Selon la déclaration universelle des droits de l’homme, tous les hommes sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Mieux encore, Jésus fait une option préférentielle pour les plus vulnérables. Le christianisme reconnaît que l’option préférentielle pour les pauvres est une priorité dans la pratique de la charité dont témoigne toute la tradition de l’Église. Il faut le reconnaître, elle concerne la vie de chaque chrétien, de chaque être humain. Elle s’applique autant à nos responsabilités sociales qu’à notre façon de vivre l’amour de Dieu envers les frères et sœurs. L’immense foule des affamés, des handicapés, des personnes sans assistance médicale, des mendiants, les sans-abris et par-dessus tout sans espérance d’un avenir meilleur.

Il est urgent de mettre à contribution toutes les couches sociales pour aller au secours des handicapés dans la société africaine.

Ailleurs, ils sont très en avance. J’ai fait mes études d’Éducateur Sportif en France. Et dans ma formation, j’ai reçu des cours théoriques sur le handicap. Qu’est-ce que c’est ? Comment l’approche-t-on ? Comment l’accueillir et le comprendre ? Quels accompagnements possibles pour cette couche spéciale de la société ?

J’ai eu plusieurs stades dans ma formation pour savoir mieux appréhender le sujet du handicap. Et comme le handicap touche tous les âges, j’ai eu à travailler avec les enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées. J’ai vu la force du sport. Le rôle du sport dans la vie d’un handicapé. J’ai eu l’occasion de rencontrer des athlètes de haut niveau ayant connu des paralysies dites centrales. Il y avait des gens atteint d’hémiplégie, de paraplégie, de tétraplégie.

Un petit détour de clarification conceptuelle s’impose. La paralysie est une perte de motricité et de sensibilité qui atteint une partie du corps. Aujourd’hui, nous pouvons entendre l’expression <<personne à mobilité réduite >> pour signifier que la personne paralysie est en fauteuil roulant.

De ce que j’ai appris et vu faire en France, il est à noter que l’européen ne spiritualise pas toutes les maladies. Tout d’abord face à une situation on prend le soin de se questionner. Ce qui veut dire qu’il fait travailler sa raison, son intelligence. Il ne commence pas par dire ce sont les mauvais esprits. C’est ma grand-mère ou mon grand-père sorcier du village qui a fait ceci ou cela. Il utilise la science pour comprendre. Ensuite, il ne craint pas d’approcher son frère ou sa sœur malade.

Avec cœur joie et beaucoup d’amour, il va l’approcher le toucher et prendre soin de ce malade. Il est vrai qu’ils ont une technologie de pointe dans la médecine. Ils ont beaucoup d’argent aussi. Mais pour moi, il est avant tout question d’être humain avec mon frère et ma sœur qui souffrent. Je rêve que mes frères et sœurs avec beaucoup d’enthousiasme accueillent les handicapés comme des personnes humaines. Qu’on ne les exclut plus de la famille et de la société. Qu’on ne les réduise plus à des choses. Non ! Non ! Et non à cette mentalité. Il faut plutôt reconnaître qu’ils sont humains. Qu’ils souffrent. Qu’il leur manque quelque chose au niveau physique ou psychique. Ils peuvent beaucoup de choses si nous acceptons les accueillir, les aimer tels qu’ils sont. Nous devons les comprendre pour les accompagner. Il faut leur manifester beaucoup de tendresse. Il faut croire en eux. Certains peuvent travailler, ce n’est plus un secret de nos jours. Le sport les valorise. Commençons par le petit exemple du marathon Salésien de Parakou. Sur le plan international, nous avons pour exemple les jeux paralympiques. Qu’est-ce que c’est ? Comme je le disais plus haut, j’ai fait de le handisport dans ma formation d’éducateur sportif. J’ai reçu en cours pratique des athlètes atteints de handicap physiques, visuels, mentaux, j’ai joué avec des aveugles, des sourds-muets, en chaise-roulantes et des amputés, des autistes. Il faut donc retenir que les jeux paralympiques sont des événements sportifs internationaux regroupant les sports d’été ou d’hiver, auxquels des milliers d’athlètes atteints de handicap participent à travers différentes compétitions. Fort de tout ce que j’ai déjà vécu ailleurs, nous devons faire un peu plus d’effort pour travailler à l’inclusion.

Le handisport et les sports adaptés sont de très bons canaux pour faire une place à nos frères et sœurs en situation de handicap dans nos familles, dans nos communautés chrétiennes, dans nos centres de loisirs, dans nos administrations, dans nos écoles et dans nos compétitions.

Si nous sommes d’accords que la dignité de la personne humaine est le principe selon lequel une personne ne doit jamais être traitée comme un objet ou un moyen, mais comme une entité intrinsèque ; alors, changeons notre mentalité au sujet de nos frères et sœurs handicapés.

Pour relever ce défi, nous avons besoin de nous mettre ensemble. Surtout prendre en compte les réalités d’Afrique, les conditions de vie de l’Africain et l’Africaine, mettre à profit les valeurs africaines.

Nous devons compter sur les associations et la bonne volonté de chacun à œuvrer pour le bien commun.

Père Daniel D.

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